écrivains chanteurs théâtre sur la vocation des artistes contemporains
Décor : le salon ; correctement tenu et meublé ; porte d’entrée et porte vers la cuisine ; un canapé, des chaises. Le chanteur Catherine : sa compagne. L’écrivain Emilie : sa compagne. Ont entre 25 et 30 ans à l’acte 1. Acte 1 Le chanteur et l’écrivain, assis dans le canapé. Deux bières vides sur la table basse et deux seront finies durant l’acte. Conversation entre amis comme ils ont pu déjà en avoir des centaines. Chanteur : - Regarde, Gouriot, il a passé des années dans les bistrots, il a écouté, il s’est contenté de faire le tri, de mettre en forme et ça c’est vendu comme des petits pains, ses brèves de comptoir. Si tu veux vraiment être reconnu, compter dans ce milieu, il faut que tu trouves un sujet en béton et le proposer à un bon éditeur qui te lancera du tonnerre. L’écrivain, un temps puis en souriant : - Le plus difficile, tout le monde le sait, c’est le sujet. Mais toi, si tu veux vraiment être le chanteur top référence, il faut que tu trouves un créneau porteur, original. Souviens-toi de Cabrel arrivant à la télé en galoches, dans son costume de gascon attardé et devenant ainsi le nouveau petit prince du « nouveau romantisme ». Quand tu es connu, tu fais ce que tu veux mais avant faut bien leur donner ce qu’ils attendent. Chanteur : - Vaudrait peut-être mieux changer de pays ! Ecrivain : - Si les belges et les suisses viennent en France, chez eux ça doit pas être plus facile. Chanteur : - Le problème, c’est que maintenant si tu n’as pas des parents connus, il faut que tu en fasses dix fois plus que les autres pour être remarqué, dans ce pays. Ecrivain : - On est dans le même bateau. C’est pareil dans la littérature. Chanteur : - Et il est trop tard pour se mettre au chinois, sinon on pourrait peut-être devenir les premières stars françaises là-bas. Ecrivain : - Je peux toujours chercher une traductrice... Chanteur : - On ne s’en sortira jamais si tu racontes des conneries. Il faut être une star avant d’être traduit. Ecrivain : - Tu l’as dit toi-même, il faut trouver un bon créneau, et ces choses-là, ça vient souvent en déconnant. Gouriot, tu crois pas que c’est durant un cours de philosophie qu’il a eu son idée géniale à la con ! Chanteur : - Tu as écrit quoi ce matin ? Ecrivain : - Une nouvelle. Chanteur : - Tu veux dire un roman, le début d’un petit roman dont tu sais déjà qu’après vingt pages tu vas l’abandonner, donc lui trouver une conclusion en queue de poisson. Ecrivain : - Tu es gonflé parfois, toi qui ne dépasses jamais trois couplets un refrain. Chanteur : - C’est la loi du genre. Ecrivain : - Léo Ferré faisait parfois trois pages. Chanteur : - Mais il est mort ! Plus de voix, Ferré ! Vive le chanteur du futur ! (il boit une gorgée de bière) Alors, ta nouvelle ? Ecrivain : - Je crois que c’est la première d’une longue série. Publier un recueil de nouvelles, ça vous place un écrivain. Chanteur : - Tu sais bien, ça ne se vend pas. Ecrivain : - Le succès d’estime, quelques bons papiers, tu sais bien qu’à Brive j’ai enfin sympathisé avec notre grand chroniqueur des recueils de nouvelles. Le dossier de presse est souvent aussi important que le contenu. Chanteur : - C’est sûr, quand on a une bonne entrée, il faut en profiter. Ecrivain : - En plus, maintenant, avec tout le fric qu’il y a dans le cinéma, ils sont tous à la recherche d’idées. Il suffit d’un bon papier, je l’envoie aux réalisateurs et c’est le début d’une grande carrière. Je pourrais alors aussi placer des petits textes dans les magazines, tu sais que ça paye bien, ce truc. Chanteur : - Alors, elle raconte quoi, ta nouvelle ? Ecrivain : - L’histoire de docteur Joker mister Kanter. Chanteur : - Un remake de docteur Jekyll mister Hyde. Ecrivain : - On ne peut rien te cacher ! Chanteur : - Joker, le jus de fruit et Kanter la bière. Ecrivain : - Bien ! Chanteur : - Vaste programme... Un mec au jus de fruit devant sa famille, à la Kanter quand il s’échappe... Ecrivain : - Comment tu as deviné ? Chanteur : - Tu ne te souviens plus, sûrement, un soir au bistrot, en (souriant) « tournée », quand j’avais signé un contrat avec les MJC de Lille, Roubaix, Dunkerque, Douai, Arras et que tu m’avais accompagné comme « manager », tu m’as balancé : « t’es vraiment docteur Joker mister Kanter. » Ecrivain : - Alors... Alors tu crois que j’écris parfois ce que j’ai raconté bourré ! Chanteur : - Tu serais pas le premier. Ecrivain : - Faut quand même faire gaffe ! On pourrait me chiper mes bonnes idées. Entrée, sans frapper, de la compagne de l’écrivain, Emilie. Enthousiaste (on sent qu’elle se force un peu). Elle accroche sa veste à un portemanteau. |
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